Activités
Sénat - Projets de Loi
Projet de Loi portant statut
général des Militaires.
1er
Février 2005
INTERVENTION
DE M. PHILIPPE NOGRIX
M.
Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, le présent
texte, comme l'a déjà souligné M. le
rapporteur, vient à temps pour modifier
la loi du 13 juillet 1972
portant statut général des militaires.
Il prend en compte les évolutions de la
société, tout en préservant les
caractéristiques essentielles de l'état
militaire : discipline, neutralité,
disponibilité et loyalisme.
La
communauté militaire a dû
progressivement s'adapter aux nécessités
du temps. La place et l'image du
militaire dans la société, ses
rapports avec la nation sont autant de
variables qui ont évolué dans
l'histoire en fonction de la nature des
régimes et des comportements sociaux
qui se sont succédé.
Les
caractéristiques historiques, qui sont
au fondement du statut général des
militaires, conditionnent de façon très
forte l'efficacité de nos armées.
Ces
grands principes historiques et
essentiels nécessitaient aujourd'hui
une actualisation. Plusieurs raisons
l'exigeaient : l'évolution récente
du cadre juridico-législatif régissant
les conditions de vie des militaires, la
transformation de notre société et de
ses habitudes.
C'est
d'ailleurs en tirant la leçon de ces évolutions
de la société et de l'environnement géostratégique
du pays que le Président de la République
décidait, en 1996, de professionnaliser
les armées et de suspendre la
conscription. La loi du 28 octobre 1997
portant réforme du service national a
profondément modifié l'organisation de
la défense française : elle a
bouleversé les équilibres et les liens
entre la nation et ses armées et a fait
apparaître des enjeux nouveaux, que le
présent projet de loi prend en considération.
L'évolution
la plus flagrante est la technicité
croissante du métier de militaire. Les
évolutions techniques ont, c'est vrai,
rendu moins pénibles le métier ainsi
que les conditions de déroulement des
missions. Une évolution de la durée
des carrières était donc souhaitable :
ce projet de loi le propose.
Compte
tenu de la spécialisation technique de
certains métiers, il est aujourd'hui réellement
nécessaire de fidéliser les
techniciens des armées, qui, compte
tenu de leurs compétences, pourraient
être tentés, et ils le sont, de partir
dans le secteur civil.
La
nature des interventions a aujourd'hui
évolué. Le plus souvent, nos forces
armées sont amenées à intervenir lors
de crises sur des terres éloignées.
Elles peuvent servir de force
d'interposition : il suffit de
penser à la Côte d'Ivoire. Cette
situation nécessitait une adaptation
statutaire et un renforcement des
garanties en matière de protection
sociale et juridique, principalement du
fait de l'évolution du régime de
responsabilité. Sur ce point
particulier, je tiens, au nom de mon
groupe, à saluer les avancées apportées
par le projet de loi.
Un
autre aspect semble très important,
celui de la place du militaire dans la
société dans un moment où l'armée y
joue un rôle de plus en plus important :
guerre contre le terrorisme,
bouleversement de l'ordre international,
rééquilibrage des forces mondiales,
respect des accords de non-prolifération
des armes de destruction massive. L'armée
intervient aussi dans les opérations de
rétablissement de la paix, lors de
catastrophes naturelles, mais aussi pour
protéger la population sur le
territoire national - ceux qui prennent
le train le savent bien.
Le
citoyen est, directement ou par le biais
des médias, en contact régulier avec
nos troupes, dont les actions peuvent désormais
se mesurer au quotidien.
L'évolution
des droits et libertés des militaires
était nécessaire, d'autant que
demeuraient, dans l'ancien statut général,
des devoirs et obligations d'un autre
temps. Vous en avez parlé, madame la
ministre, et, de ce point de vue, le
texte apporte une avancée
significative.
Enfin,
vous me permettrez d'émettre quelques réserves.
Si
le présent projet de loi représente un
grand progrès par rapport à la loi de
1972, il n'en reste pas moins qu'il ne
nous semble pas tout à fait assez
novateur en ce qui concerne la représentation
des intérêts des militaires.
L'article
18 prévoit, certes, la mise en place
d'instances consultatives, mais ces
dernières nous paraissent trop
complexes dans leur mode de désignation
et nous en regrettons le caractère
uniquement consultatif. Il conviendra
donc, madame la ministre, de bien évaluer
les résultats obtenus par ces instances
pour éviter d'éventuels mécontentements.
L'évolution
du statut avait également été rendue
nécessaire par l'évolution du droit,
notamment en ce qui concerne le régime
des sanctions, que vise à rénover le
texte. L'évolution de la jurisprudence
du Conseil d'Etat ayant conféré une
plus grande protection aux militaires,
cette évolution était nécessaire. Je
regrette, cependant, que la hiérarchie
des sanctions disciplinaires soit désormais
déconnectée de celle qui est en
vigueur au sein de la fonction publique.
De
la même façon, il est dommage que la
suppression par l'Assemblée nationale
de la notion de rémunération au mérite
conduise à une seconde déconnection
par rapport à ce qui se pratique
aujourd'hui dans la fonction publique d'Etat.
On y assiste, en effet, peu à peu, à
une évolution concertée vers un mode
de carrière et de rémunération au mérite,
en particulier avec le système des
primes proportionnelles au service
rendu. Je considère donc souhaitable
que ce principe soit rétabli dans le
texte, à l'instar de ce que nous vous
proposons et de ce que vous propose M. le
rapporteur.
Ce
dernier a dissipé une inquiétude quant
à la position des militaires en
retraite, qui ne doivent pas être écartés
du présent statut. Leurs liens avec la
communauté militaire devaient être préservés.
Ils le sont désormais.
Pour
conclure, je souhaite féliciter M. Dulait
pour son rapport, dont la lecture permet
de bien comprendre tous les aspects du
texte, et je vous remercie, madame la
ministre, pour la qualité législative
de votre texte : je rappelle
que le précédent statut comptait tout
de même près de quatre cents articles,
alors que celui-ci n'en contient plus
que cent.
Le
présent projet de loi possède donc une
qualité que nous ne retrouvons pas
assez souvent dans les textes qui sont
soumis à notre examen : il se
concentre sur des mesures qui relèvent
bien de la compétence du législateur.
Il suscitera, en cela, notre attention
et notre intérêt.
Le
groupe UC-UDF votera pour votre texte,
madame la ministre, en espérant qu'il
sera assorti de quelques-uns des
amendements que nous avons déposés.
(Applaudissements
sur
les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

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