Action au Sénat

A propos des familles d'enfants lourdement handicapés

Question du 2 Mars 2004

 

Question Orale avec réponse en séance du 02/03/2004 
 posée par Philippe NOGRIX du groupe UC-UDF.

Philippe Nogrix au SenatM. Philippe Nogrix. 
J'avais adressé ma question à votre prédécesseur, Mme Boisseau, qui souhaitait, je le savais, que je l'appelle Mme le secrétaire d'État. Mais j'ignore quelle est la règle du jeu avec vous : souhaitez-vous que je vous appelle Mme le secrétaire d'État ou Mme la secrétaire d'État ? 

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées, auprès du ministre de la santé et de la protection sociale. 
Je suis favorable à la féminisation. 

Philippe Nogrix au SenatM. Philippe Nogrix.
 Très bien, je vous appellerai donc Mme la secrétaire d'État. Madame la secrétaire d'État, je me ferai ici le relais d'associations et de parents d'enfants lourdement handicapés de mon département, 1'Ille-et-Vilaine, département que Mme Boisseau connaissait bien puisqu'elle en était l'élue. Le Placis Vert est un établissement qui a été transformé en MAS, maison d'accueil spécialisée, le 1er juillet 2001. Depuis cette date, les parents constatent progressivement toutes les conséquences de cette nouvelle situation, parfois inacceptable et très souvent ubuesque. Depuis ce changement de statut, les enfants sont les mêmes, l'établissement est le même, le personnel est le même, mais le statut est différent. Premier problème, la MAS étant considérée comme une résidence, la caisse primaire d'assurance maladie refuse désormais de prendre en charge les frais de déplacement quand les enfants rentrent dans leurs familles et quand ils reviennent au centre à la fin du week-end ou des vacances. Le coût est plus ou moins important suivant le lieu de résidence de la famille Mais surtout, et c'est là le plus alarmant et le plus inquiétant, les considérations financières deviennent progressivement une entrave au retour en famille. Le second problème concerne le forfait hospitalier. Il est automatiquement appliqué dans les MAS, ces dernières étant considérées non comme des établissements de soins, mais bien comme des lieux de vie. C'est une nouvelle charge, qui nous semble injuste, que doivent supporter ces personnes handicapées. Leur seule ressource est l'allocation adulte handicapé. Or elle se trouve amputée de ce forfait hospitalier qui représenterait un peu plus de 300 euros par mois. Madame la secrétaire d'État, ces familles sont inquiètes, elles vous l'ont fait savoir. Elles attendent des réponses claires, fermes et surtout encourageantes, réponses que, j'en suis certain, vous allez leur donner aujourd'hui. N'oublions pas qu'à plusieurs reprises le Président de la République a affirmé son attachement à l'amélioration de la prise en charge du handicap en garantissant aux handicapés leur autonomie et des moyens de subsistance suffisants. Compte tenu de cet attachement, je suis amené à penser que vous aurez à coeur de reconsidérer la situation des MAS.

 

 M. le président.
 La parole est à Mme la secrétaire d'État. 

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. 
Monsieur le sénateur, les maisons d'accueil spécialisées, les MAS, assurent de manière permanente aux personnes les plus lourdement handicapées l'hébergement, les soins, les aides à la vie courante et des activités de vie sociale. L'ensemble des dépenses entraînées par ces missions sont supportées par l'assurance maladie dans le cadre d'un prix de journée, conformément aux articles 2, 6 et 7 du décret du 26 décembre 1978. S'agissant de la prise en charge des frais de transport entre la MAS et le domicile de la personne concernée, il ne peut être déduit des missions susmentionnées qu'elle relève du prix de journée. Néanmoins, dans le cadre d'une prescription médicale et sous le contrôle des médecins- conseils des caisses primaires, ces dernières peuvent prendre en charge les frais de transport, en recourant à certains critères tels que l'impossibilité pour la famille et l'établissement d'assurer le transport en question ou le relatif éloignement du domicile. Cependant, cette prise en charge n'est pas prévue par le code de la sécurité sociale. Elle relève donc des prestations extra-légales de la caisse primaire et de son pouvoir discrétionnaire. Cette formule ne soulève pas d'inconvénient majeur lorsqu'il s'agit d'une MAS accueillant à temps plein, ce qui est actuellement le plus souvent le cas, des personnes dont les déplacements entre la MAS et leur domicile restent peu fréquents, en l'occurrence lors des week-end ou des vacances. Toutefois, le développement de formules d'accueil plus souples, telles que l'accueil de jour, pourrait conduire à une augmentation du nombre de déplacements et, par voie de conséquence, de la charge qu'ils représentent. Dans ces conditions, consciente de la double nécessité de permettre aux personnes handicapées qui sont accueillies en MAS de conserver des liens étroits avec leur famille sans augmenter corrélativement de manière non justifiée les dépenses de transport qui pourraient être mises à la charge de la collectivité publique, je vais faire expertiser, au regard de cette double exigence, différentes solutions susceptibles de répondre aux attentes légitimes des personnes handicapées et de leurs proches. L'articulation entre les dispositifs mis en place par la loi 2002-2 sur les institutions sociales et médico-sociales et ceux, concernant en particulier l'application du droit à compensation, prévue dans le cadre du projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, offrira sans doute une solution au problème réel que vous soulignez. De même, la poursuite prévue des programmes de création de places vise à développer des formules d'accueil plus diversifiées mais aussi de proximité devant réduire progressivement les accueils éloignés, qui ne sont jamais une bonne solution. J'en viens au forfait hospitalier. Il s'agit, au sens strict, d'un forfait journalier que le pensionnaire d'une MAS doit payer pour participer aux frais de son hébergement et de son entretien, au même titre que le pensionnaire d'autres établissements médico-sociaux. C'est le cas pour le foyer d'accueil médicalisé, foyer de vie ou foyer pour travailleurs handicapés. Toutefois, une personne hébergée en MAS doit conserver un minimum de ressources équivalant à 12 % du montant de l'allocation aux adultes handicapés à taux plein, et ce afin de subvenir à ses besoins vestimentaires ou de loisirs -conformément à l'article R. 821-13 du code de la sécurité sociale. Ce montant est souvent jugé insatisfaisant et de nature à limiter les aspirations des résidents de MAS à une vie de qualité. Le projet de loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées offrira, monsieur le sénateur, l'opportunité, par ses textes d'application, d'harmoniser et d'améliorer les règles relatives au « reste à vivre » en vigueur dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes handicapées. M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix. M. Philippe Nogrix. Je préfère certaines parties de votre réponse, madame, à d'autres. Ce n'est pas la référence au décret - pas plus que l'interprétation stricte du texte - qui donnera espoir aux familles des handicapés. En revanche, ce qui peut leur donner espoir, c'est le fait que le message du Président de la République ait été réitéré et répété. Je pense donc qu'il faut profiter de cet appui de l'Elysée pour obtenir enfin les crédits dont vous avez besoin. En effet, si l'on décline les différents éléments les uns après les autres - les obligations de transport et les 12 % laissés à la personne pour ses loisirs et ses besoins vestimentaires - c'est vrai que la formule paraît bien équilibrée. Mais quand, tout à coup, parce qu'un ministère a décidé d'un changement de statut de l'établissement, on vous prélève une partie de ces 12 % pour prendre en charge des frais de transport que vous ne payiez pas auparavant, votre vie s'en trouve bouleversée. Je pense que, sur ce point, madame, nous devons pouvoir faire appel à une notion que nous, législateurs, avons inscrite dans la Constitution : le droit à l'expérimentation. Je serais pour ma part très satisfait que vous puissiez donner à l'établissement Guillaume Régnier de Rennes, qui administre le Placis Vert, le droit d'expérimenter les solutions envisageables tant pour le transport que pour le forfait hospitalier, lequel, je le rappelle, était pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie. Si cette dernière n'intervient plus, il faut que la solidarité nationale prenne le relais. Mais ne changeons pas les choses sous prétexte qu'on change de statut !

 

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