Monsieur Philippe
NOGRIX, Sénateur de lIlle et Vilaine, attire lattention de Monsieur le ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie sur les conséquences du récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE du 29 mars 2001,
aff. 404-99, 5ème ch., commission c/ république française).
Désormais, selon ce texte, les pourboires (ou service 15 %) devront être soumis à la TVA engendrant ainsi une charge supplémentaire tant pour les professionnels de la coiffure, de la restauration ou de lhôtellerie.
Aussi, il aimerait connaître les mesures quil envisage de mettre en place afin de compenser cette charge supplémentaire.
Réponse du 23 août 2001
Par un arrêt du 29 mars 2001, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a jugé non confirme à la sixième directive TVA la tolérance administrative qui permettait, sous certaines conditions, de ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les sommes perçues au titre du service obligatoire.
Cette tolérance était susceptible de sappliquer à toutes les entreprises prestataires de services dont le personnel est en contact direct avec la clientèle et notamment aux restaurateurs et aux coiffeurs.
Il était possible de considérer, et le Gouvernement a plaidé en ce sens, que cette pratique ancienne qui était laissée au libre choix du prestataire nentraînait aucune distorsion de concurrence. Toutefois, la CJCE a rappelé le principe de neutralité fiscale qui soppose notamment à ce que les opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA. Le Gouvernement est bien évidemment tenu de se conformer à cette décision.
Ainsi, linstruction administrative du 15 juin 2001 publiée au bulletin officiel des impôts 3A-8-01 abroge la tolérance administrative. Il faut cependant expliquer et relativiser la portée de cette décision. Tout dabord, beaucoup de restaurants et de salons de coiffure en labsence de personnel salarié ne pouvaient pas se prévaloir de la mesure de tolérance administrative. Il en va de même pour tous ceux qui ont du personnel mais qui nest pas rémunéré au pourboire. En effet, le dispositif sanctionné par la CJCE était assorti de conditions très précises de partage, de transparence et de déclaration de ces sommes. Pour les établissements réellement affectés par cette décision, la conséquence sur les prix sera limités : de lordre de 2% et devrait être à la charge du client.
En outre, linstruction du 15 juin 2001 précise que devront être soumises à la TVA les sommes perçues au titre du service obligatoire à compter du 1er octobre 2001. Les professionnels disposeront ainsi du délai nécessaire pour se conformer à ces nouvelles règles. Enfin, les vrais pourboires, cest à dire la somme dargent laissée volontairement au personnel, ne sont, bien entendu, pas concernés par cette jurisprudence.
Par ailleurs, les règles communautaires de droit commune en matière de taux de TVA limitent lapplication du taux réduit aux seules opérations reprises sur la liste annexée à la directive n° 92/77 du 19 octobre 1992, relative au rapprochement des taux de TVA. Or les prestations de restauration et de coiffure ny figurent pas. Ces prestations ne peuvent pas non plus bénéficier des dispositions de la directive communautaire n° 1999/85/CE du 22 octobre 1999 qui autorise les Etats membres à appliquer, à titre expérimental, pour une durée de trois ans jusquau 31 décembre 2001, un taux réduit de TVA à certains services à forte intensité de main duvre. La liste des services susceptibles de bénéficier de cette mesure comprend les petites services de réparation (bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtements et linge de maison), la rénovation et la réparation des logements privés, le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés, les services de soins à domicile ainsi que la coiffure.
Lors de son adoption, les Etats membres ont décidé de ne pas y faire figurer le secteur de la restauration. En outre, chaque Etat membre est tenu de limiter lexpérience à deux, voire trois à titre exceptionnel, des catégories de services ainsi définies.
La France a décidé dappliquer le taux réduit de la TVA, dune part aux travaux damélioration, de transformation, daménagement et dentretien portant sur les locaux à usage dhabitation achevés depuis plus de deux ans, dautre part aux services daide à la personne, y compris le nettoyage de logements privés fournis pas des entreprises agréées en application de larticle L. 129-1-II du code du travail.
Ces mesures sont inscrites aux articles 5 et 7 de la loi de finances pour 2000 car le Parlement les a jugées prioritaires. Le choix de ces secteurs correspond à la volonté de développer lemploi notamment en favorisant la réduction du travail dissimulé et de faciliter lamélioration du parc de logements et la vie quotidienne des ménages. En décidant lapplication du taux réduit à trois des cinq de ces catégories de services retenues par les Etats Membres, la France a ainsi utilisé entièrement les marges de manuvre dont la directive lui permet de disposer.