Afghanistan : de lourdes interrogations

La France va renforcer sa présence en Afghanistan.

Le Président de la République vient de l’annoncer. On peut regretter que le Parlement ait été placé devant le fait accompli. D’autant plus que cette décision n’est pas anodine.

Depuis 2001, la France participe à l’opération menée en Afghanistan, par l’OTAN sur mandat de l’ONU, contre Al Qaïda et les talibans. Cependant, sa participation est bien moindre que celle de nos voisins anglais ou allemands. Aujourd’hui, 1700 soldats français sont déployés en Afghanistan, sur un total de 60 000 hommes.

Ce seront 700 soldats français supplémentaires qui y seront envoyés. Autrement dit, la France va augmenter sa présence de plus de 40 %.

C’est une inflexion lourde de conséquences.


Soldat en opération

Des conséquences humaines d’abord. En Afghanistan, les troupes sont confrontées à une véritable guerre. La vie des hommes est en jeu.
Des enjeux budgétaires ensuite : cet envoi pourrait faire exploser le budget des ” opérations extérieures “.
Enfin, l’enjeu est géostratégique : une inflexion majeure des positions françaises sur la scène internationale semble se dessiner par-delà la seule question afghane.

Au regard de ces trois enjeux, les tenants et les aboutissants du renforcement de la présence française en Afghanistan n’apparaissent absolument pas clairement. Là est le problème.
Pourquoi envoyer 700 hommes supplémentaires ? Cette décision ne correspond pas à une demande de nos alliés. La France agit de manière unilatérale.
Alors quel est l’objectif ?
Pacifier le pays et lutter contre le terrorisme, dit-on. Oui, mais alors, les spectres du Vietnam ou de l’Irak ressurgissent : depuis 7 ans que nous sommes là-bas, les choses se sont-elles améliorées ? Non. Le conflit paraît s’enliser. Le seul moyen pour réussir la transition de la guerre à la paix réside dans le développement et la reconstruction. Mais, la France jouera-t-elle cette carte ? Pas sûr du tout. Si son contingent d’hommes augmente, en revanche, ce ne semble pas être le cas de son aide financière.

Etait-il opportun, dans ces conditions, d’envoyer ces 700 hommes supplémentaires ? Ce ne paraît pas être le cas pour plusieurs raisons.
Premièrement, des raisons logistiques. Où trouver les soldats requis ?
Deuxièmement, cette décision pourrait compromettre les autres engagements que nous avons pris auprès de nos alliés de pouvoir déployer des troupes en cas de crise urgente.
Troisièmement, la raison budgétaire : 700 hommes de plus, ce pourrait être 50 millions d’euros supplémentaires sur un poste ” opérations extérieures ” qui a déjà explosé. Où sera trouvée cette somme ?

Une seule raison paraît vraiment justifier la décision présidentielle : elle entre dans le cadre d’une inflexion majeure de notre positionnement géostratégique. La France se serait engagée dans un profond ” glissement atlantiste “. Pour preuve : les 700 soldats français supplémentaires seront déployés dans l’Est de l’Afghanistan où a lieu la guerre contre les positions frontalières d’Al Qaïda, auprès des troupes US.

Ainsi, toutes les interrogations que nous avons évoquées aboutissent à des questions plus fondamentales : jusqu’où ira le glissement atlantiste de la France ? Qu’en penseront nos partenaires européens ? N’était-ce pas le moment de reparler d’engagement concerté ? Autant de questions qui restent sans réponses.

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